Morceau choisi : La tempête…
Extrait : La Tempête Shakespeare – Chapitre 7 Scène 1
SCÈNE I
Une autre partie de l’île.
Entrent ALONZO, SÉBASTIEN, ANTONIO, GONZALO, ADRIAN, FRANCISCO ET PLUSIEURS AUTRES.
GONZALO
Seigneur, je vous en conjure, de la gaieté. Vous avez, nous avons tous un sujet de joie, car ce que nous avons sauvé est bien au-delà de ce que nous avons perdu ; ce qui fait notre tristesse est une chose commune : tous les jours la femme de quelque marin, le patron de quelque navire marchand, et le négociant lui-même, ont de semblables motifs de chagrin. Mais sur des millions d’individus, il y en a bien peu qui aient comme nous à raconter un miracle : c’en est un que de nous voir sauvés. Ainsi, mon bon seigneur, mettez sagement en balance nos chagrins et nos motifs de consolation.
ALONZO
Je t’en prie, laisse-moi en paix.
SÉBASTIEN
Il prend goût à la consolation comme à une soupe froide.
ANTONIO
Il ne sera pas si aisément débarrassé du consolateur.
SÉBASTIEN
Tenez, le voilà qui monte l’horloge de son esprit ; elle va sonner tout à l’heure.
GONZALO
Seigneur.
SÉBASTIEN
Une… Parlez donc.
GONZALO
Lorsqu’on se plaît à nourrir quelque chagrin, tout ce qui se présente apporte à celui qui le nourrit…
SÉBASTIEN
Un dollar.
GONZALO
Tout lui apporte une douleur, en effet. Vous avez parlé plus juste que vous ne croyez.
SÉBASTIEN
Et vous l’avez pris plus raisonnablement que je ne l’espérais.
GONZALO
Donc, mon seigneur…
ANTONIO
Fi ! qu’il est prodigue de sa langue !
ALONZO
Je t’en prie, laisse-moi.
GONZALO
Bien, j’ai fini ; mais cependant…
SÉBASTIEN
Cependant il continuera de parler.
ANTONIO
Parions qui de lui ou d’Adrian chantera le premier.
SÉBASTIEN
Va pour le vieux coq.
ANTONIO
Pour le jeune coq.
SÉBASTIEN
C’est dit. L’enjeu ?
ANTONIO
Un éclat de rire.
SÉBASTIEN
Tope !
ADRIAN
Quoique cette île semble déserte…
SÉBASTIEN
Ah ! ah ! ah !
ANTONIO
Allons, vous avez payé[6].
ADRIAN
Inhabitable et presque inaccessible…
SÉBASTIEN
Cependant…
ADRIAN
Cependant…
ANTONIO
Cela ne pouvait pas manquer.
ADRIAN
Il faut qu’elle jouisse d’une température[7] subtile, moelleuse et délicate.
ANTONIO
La tempérance était une délicate donzelle.
SÉBASTIEN
Oui, et subtile, comme il l’a dit très-savamment.
ADRIAN
L’air souffle sur nous le plus doucement du monde.
SÉBASTIEN
Oui, comme s’il avait des poumons, et des poumons gâtés.
ANTONIO
Ou s’il était parfumé par un marais.
GONZALO
Tout ici semble favorable à la vie.
ANTONIO
Oui, sauf les moyens de vivre.
SÉBASTIEN
Il n’y en a pas, ou il n’y en a guère.
GONZALO
Comme l’herbe ici paraît abondante et verte ! comme elle est verte !
ANTONIO
Le vrai, c’est que ces prairies sont jaunes.
SÉBASTIEN
Avec un soupçon de vert.
ANTONIO
Il ne se trompe pas de beaucoup.
SÉBASTIEN
Non, seulement du tout au tout.
GONZALO
Mais la merveille de tout ceci, c’est que, et cela est presque hors de toute croyance…
SÉBASTIEN
Comme beaucoup de merveilles attestées.
GONZALO
C’est que nos vêtements, trempés comme ils l’ont été dans la mer, aient cependant conservé leur fraîcheur et leur éclat ; ils ont été plutôt reteints que tachés par l’eau salée. »
…
Pièce que j’ai tant aimé lire et relire.
Pour une lecture complète : là, un clic.
- Publié dans: LOU♦Morceaux choisis
Comment douter encore que la littérature aide à vivre ?
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Cet extrait donne envie de relire la tempête… un souffle d’optimisme, merci!
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Superbe, Lou! Merci pour le lien, je vais le relire !
Bisous ♥
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