« Soirs » d’Albert Samain
D’Albert Samain
I
Calmes aux quais déserts s’endorment les bateaux.
Les besognes du jour rude sont terminées,
Et le bleu Crépuscule aux mains efféminées
Éteint le fleuve ardent qui roulait des métaux.
Les ateliers fiévreux desserrent leurs étaux,
Et, les cheveux au vent, les fillettes minées
Vers les vitrines d’or courent, illuminées,
Meurtrir leur désir pauvre aux diamants brutaux.
Sur la ville noircie, où le peuple déferle,
Le ciel, en des douceurs de turquoise et de perle,
Le ciel semble, ce soir d’automne, défaillir.
L’Heure passe comme une femme sous un voile ;
Et, dans l’ombre, mon cœur s’ouvre pour recueillir
Ce qui descend de rêve à la première étoile.
II
Le Séraphin des soirs passe le long des fleurs…
La Dame-aux-Songes chante à l’orgue de l’église ;
Et le ciel, où la fin du jour se subtilise,
Prolonge une agonie exquise de couleurs.
Le Séraphin des soirs passe le long des cœurs…
Les vierges au balcon boivent l’amour des brises ;
Et sur les fleurs et sur les vierges indécises
Il neige lentement d’adorables pâleurs.
Toute rose au jardin s’incline, lente et lasse,
Et l’âme de Schumann errante par l’espace
Semble dire une peine impossible à guérir…
Quelque part une enfant très douce doit mourir…
Ô mon âme, mets un signet au livre d’heures,
L’Ange va recueillir le rêve que tu pleures.
III
Le ciel comme un lac d’or pâle s’évanouit,
On dirait que la plaine, au loin déserte, pense ;
Et dans l’air élargi de vide et de silence
S’épanche la grande âme triste de la nuit.
Pendant que çà et là brillent d’humbles lumières,
Les grands bœufs accouplés rentrent par les chemins ;
Et les vieux en bonnet, le menton sur les mains,
Respirent le soir calme aux portes des chaumières.
Le paysage, où tinte une cloche, est plaintif
Et simple comme un doux tableau de primitif,
Où le Bon Pasteur mène un agneau blanc qui saute.
Les astres au ciel noir commencent à neiger,
Et là-bas, immobile au sommet de la côte,
Rêve la silhouette antique d’un berger.
Comme devant un tableau qui pourrait être de Claudine. 😉
- Publié dans: LOU♦Morceaux choisis
Sourire de nuit 😉
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Dans la nuit, les yeux brillent. 🙂
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Cette âme de Schumann qui plane sur le soir est superbe aussi…un beau tableau!
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S’envoler, léger, en contemplant un tableau. Cela m’arrive. En ce moment, il y a une très belle exposition de peintres norvégiens au Musée Toulouse-Lautre, et là, il y a matière à planer… 😉
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absolument superbe ! il y a des poètes qu’on ne connait pas assez
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Il y a des trésors à découvrir sur le « Paradis des Albatros » où l’on peut savourer une multitude de textes. Merci les Cafards, c’est toujours un plaisir de vous lire ici.
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Merci Lou pour ces merveilleux mots et les notes de pianos si douces. Que c’est beau ♥
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Ah la Poésie, combien de fois elle a réconcilié mon « âme » avec un quotidien un peu compliqué, alors.
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